Contribution d'Anne GOMAN,
enseignante de lettres classiques
A l’origine
A la rentrée 2009, l’idée est née entre trois enseignants du collège Font d’Aurumy de Fuveau (13), en anglais, histoire-géographie et physique-chimie, de proposer à leurs élèves en classe de cinquième une sorte de parcours internet autour des programmes de leurs disciplines respectives : présenté sous forme de questions, d’énigmes à résoudre, et nécessitant des recherches en autonomie sur Internet, il permettait aux élèves de reconstituer une image secrète à la fin du parcours.
Leur idée était d’offrir aux élèves une approche des contenus de leurs disciplines qui soit à la fois ludique et pédagogique : en utilisant les ressources du numérique et d’Internet, et en se servant de l’appétence naturelle des élèves pour les supports numériques il devait être possible de les amener, par d’autres chemins, à acquérir sur un trimestre une partie des connaissances des programmes de cinquième
En particulier, ces enseignants étaient partis de l’intuition qu’un tel dispositif pédagogique pouvait offrir à des élèves en difficulté un autre rapport avec les enseignements disciplinaires et les réconcilier avec leurs matières, tout en permettant, dans le même temps, à tous les élèves d’apprendre différemment et d’enrichir leur culture.
Le rallye TICE Enigma1 était né.
Vers un véritable jeu numérique en ligne
Deux ans plus tard, l’arrivée d’un nouveau professeur de lettres classiques dans l’établissement a permis d’ajouter une nouvelle discipline au Rallye TICE, et d’en modifier très sensiblement la portée et l’architecture : d’un simple parcours trimestriel de questions sur Internet, il est alors devenu Enigma3, véritable jeu en ligne, avec un scénario complet basé sur le roman d’aventures et le voyage dans le temps, et décliné en trois volets, sur les trois trimestres de l’année scolaire.
Il est actuellement hébergé sur la WebClasse, le site Web du professeur de lettres classiques.
Un projet de professeurs "gamers"
Les enseignants d’histoire-géographie et de lettres classiques sont partis de leur vécu de "gamers" pour imaginer ce jeu numérique, qui associe activités scolaires (DM, exercices en lignes, etc.) et énigmes à la façon des jeux de cryo interactive comme Versailles ou Pompéi, dont ils étaient de fervents adeptes.
Le scénario est inspiré de romans et films de science-fiction comme La Machine à remonter le temps ou Retour vers le futur, pimenté d’une pointe de romans historiques et d’enquêtes policières.
L’élève est invité à s’imaginer, après avoir emprunté par mégarde la machine de H.G. Wells, qu’il est perdu dans les époques historiques de ses programmes d’Histoire et de Français : le Moyen Âge, la Renaissance, le siècle de Louis XIV. S’il veut pouvoir regagner son époque, il devra résoudre différentes énigmes pour réparer la machine à remonter le temps, endommagée lors de son premier voyage.
Au fil de son périple temporel, il fera connaissance, entre autres, d’un chevalier du XIIIe siècle, de l’alchimiste Nicolas Flamel, d’un jeune imprimeur protestant en résidence au Clos Lucé, de la petite fille de Mathurine, la servante de Léonard de Vinci, d’un Lord anglais bibliophile, puis de Denis Papin, Mme de Sévigné, et de toute la cour de Louis XIV lors des divertissements de Versailles de 1674, tout en aidant Bontemps à déjouer la conjuration du chevalier de Rohan.
Une grande souplesse pour permettre à chaque discipline de trouver sa place
Cette trame a été rédigée au départ pour intégrer les différentes activités pédagogiques qui avaient été créées précédemment par les enseignants, dans les versions 1 et 2 d’Enigma, de façon à donner à la fois une cohérence forte aux différentes activités et une finalité ludique aux élèves, typique des jeux d’aventure : résoudre les énigmes, réussir les quêtes.
Mais parallèlement, les enseignants se sont pris au jeu, et ont été amenés à inventer d’autres activités pédagogiques inspirées par l’histoire elle-même : un travail de symétrie en géométrie réalisé à partir de parchemins glanés au cours des aventures pour trouver le code d’une serrure permettant d’accéder à une pièce, une initiation à l’alphabet grec pour lire puis traduire un message secret, les bases mathématiques du décryptage, des recherches historiques sur une conspiration célèbre, la confection d’un vrai faux journal du XVIIe siècle, etc.
Petit à petit, année après année, d’autres collègues, séduits par le projet, se sont pris au jeu et ont rejoint l’équipe, enrichissant le projet de leur expertise dans leur discipline et de leur fantaisie personnelle : des jeux et des énigmes mathématiques, des activités artistiques et musicales se sont progressivement ajoutés à Enigma3, si bien qu’à ce jour, à l’exception de l’EPS et de la technologie, toutes les matières enseignées en cinquième sont présentes dans le rallye, et 12 enseignants contribuent au projet, chacun à hauteur de l’investissement qu’il peut/veut y mettre.
La trame narrative, rédigée par le professeur de lettres aidé du professeur d’histoire et du professeur d’anglais (pour les parties dans la langue de Shakespeare), permet en effet d’intégrer sans souci de nouvelles activités, de nouvelles disciplines, pour s’ouvrir à toutes les matières sans autre limite que l’imagination des enseignants souhaitant intégrer le projet.
Cette grande liberté de création est sans doute ce qui a plu à tous les professeurs qui sont venus rejoindre l’équipe : rien n’est vraiment figé dans le rallye, tout peut évoluer, au gré des envies et des idées de chacun.
Ainsi, si le projet est reconduit l’an prochain, une activité mathématiques et cuisine médiévale sera intégrée au parcours, grâce aux connaissances et à l’envie d’un nouveau professeur de mathématiques ayant rejoint l’équipe.
Une autre façon de travailler pour les élèves comme pour les enseignants
Les élèves de deux classes de cinquième, tous volontaires mais de niveau hétérogène, travaillent donc pendant une année d’une façon très différente des autres classes : une partie des programmes est abordée par le biais du jeu numérique. Les élèves acquièrent donc des connaissances et des savoir-faire qu’ils réinvestissent ensuite dans d’autres activités en classe ou sur Internet. Ils trouvent aussi les supports et les sujets de nombreux DM au fil de leur parcours, ce qui donne à ces travaux une autre portée, puisqu’ils s’intègrent dans leur parcours.
Et d’acteurs, ils deviennent à leur tour des créateurs, à travers un journal de voyage temporel interactif qu’ils réalisent au fil de leurs aventures et dans lequel ils intègrent une partie des travaux qu’ils ont réalisé, sur support Didapages. Ils l’enrichissent toute l’année, et le conservent à la fin, exporté sur leur ordinateur personnel.
Pour les enseignants aussi, c’est une autre manière de travailler : chaque professeur est en charge d’un petit groupe d’élèves qu’il suit, conseille dans l’avancement du jeu, guide et aide lorsqu’ils sont bloqués sur une activité.
Ce tutorat nécessite de la part de l’enseignant une disponibilité quasi quotidienne, car les échanges se font par courrier électronique, mais il est vraiment gratifiant : une relation assez différente de l’habituelle relation élève-prof, se met en place, faite de confiance, respect mais aussi complicité et reconnaissance, entre les élèves et leurs professeurs-tuteurs.
Ce tutorat est très important pour permettre aux élèves en difficulté de ne pas perdre pied et d’avancer dans de bonnes conditions dans le parcours. Il permet ainsi à des élèves en situation de quasi-décrochage d’être ramenés en douceur vers l’école, de reprendre confiance en eux et en l’institution, et de retrouver un certain goût aux apprentissages.
Depuis trois ans, grâce au soutien sans faille de l’équipe de direction, ce tutorat est aussi complété par une dotation d’une heure par classe qui permet aux enseignants de prendre les élèves les plus en retard en salle informatique, pour leur apporter aide méthodologique et soutien dans la réalisation des activités et la résolution des énigmes proposées.
La liste des collègues qui participent ou ont participé au projet :
Anglais : Isabelle STOHR
Arts Plastiques : Nicolas SALMON
Éducation musicale : Claire-Annie GINOUVES-MAIZIERES
Histoire-Géo-EMC : Thierry HUMEAU
Lettres classiques : Anne GOMAN, Mélodie MARTIN
Lettres modernes : Fabienne BARBIER
Mathématiques : Anne-Marie LOMBARD, Emmanuel GEFFROY, Véronique FAURE
Physique-chimie : Mireille BARBAGELATA, François DURUPTHY, Aude HUIN
Sciences de la vie et de la terre : Sandra TAVERNA